La castration d’un chien est souvent un sujet polémique au sein de la famille, un sujet tabou en consultation, et une solution controversée lors de comportements indésirables. En effet, très souvent, le propriétaire préfère ne pas aborder une difficulté avec le comportement de son chien par peur de la sanction du vétérinaire : la castration chirurgicale ; le vétérinaire, quand à lui, se méfie d’une castration qui sera irréversible et parfois inefficace, voir contre-productive. La pharmacopée vétérinaire est équipée, de nos jours, un contraceptif permettant de “castrer temporairement” un chien. Ainsi, on peut tenter de prévenir ou améliorer un comportement indésirable, sans prendre le risque de ne pouvoir revenir en arrière, et sans retirer les testicules du chien
La castration présente de nombreuses indications, mais aussi des limites (résultat souhaité non obtenu) et des effets indésirables.
Chez le chien, la castration présente différentes indications : traitement d’une maladie prostatique (hors cancer) et testiculaire, d’une tumeur hormono-dépendante (adénome des glandes hépatoïdes, etc.), mais surtout comportementale (levée de patte lors des mictions, comportement de monte et libido, agressivité, et fugue). Les objectifs comportementaux ne sont pas toujours atteints (car parfois non hormono-dépendants), et les effets secondaires aussi possibles (prise de poids, exacerbation de l’agressivité, incontinence urinaire, changement de pelage ou “puppy coat”).
Nous allons détailler, ici, les intérêts et limites de la castration ; les comportements indésirables du chien. Ce qui amènera à comprendre l’intérêt d’une contraception médicale en première intention dans de nombreux cas.
- Diminution des marquages urinaires
dans la maison : diminution de 50 à 69%
à l’extérieur : diminution de 0 à 27%
- Diminution des fugues
induites par les chiennes en chaleurs : diminution de 64%
liées à d’autres causes (chasse…) : diminution de 16%
- Augmentation possible de l’attirance/chevauchement
chienne en chaleurs : diminution de 41%
personnes : diminution de 57%
autres mâles : diminution de 43%
objets inanimés : diminution de 26%
augmentation dans 5% des cas
- Augmentation possible de l’agressivité (étude sur plus de 1300 questionnaires (C-BARQ))
Le comportement des chiens est très peu influencé par la castration
Il n’y a aucune influence de la castration sur les agressions intraspécifiques et sur les agressions vers les humains familiers
Une légère mais significative augmentation sur les agressions sur les humains étrangers entre les mâles entiers et les mâles castrés.
Contraception médicale
La seule méthode de contraception médicale chez le mâle est l’utilisation d’analogues de la GnRH sous forme d’implant
La GnRH est le décapeptide (produit par le cerveau, hypothalamus) qui régule le reste de l’axe gonadotrope (de l’hypophyse aux testicules), et donc la spermatogénèse (production des spermatozoïdes).
L’utilisation d’un super-agoniste entraine après un effet de latence comprenant une hyper-stimulation de courte durée (augmentation de la testostérone), un arrêt de la stimulation de l’axe gonadotrope par un effet de désensibilsation des récepteurs de l’organisme à la GnRH.
L’effet est temporaire et donc réversible.
Mode d’action chez le mâle : de la stimulation à l’inhibition temporaire
Stimulation initiale (effet “flare up”) et phase de latence
L’implant entraine d’abord une stimulation de la production de testostérone et de ses dérivés (DHT notamment) : effet “flare up, d’une durée de 8 à 15 jours. Ainsi, l’implant peut aggraver dans les premiers jours des signes cliniques chez un chien souffrant d’une maladie prostatique (HBP, prostatite, etc.), d’une tumeur hormono-induite (adénome des glandes péri-anales), ou encore d’une balanoposthite (sécrétion excessive de smecma). Un cas d’orchite post-implantatoire a été observé sur un chien souffrant d’un leydigome (données personnelles). Le principal effet indésirable redouté est une augmentation de l’agressivité intra- et inter-spécifique dans les premiers jours post-implantation. Il est nécessaire de prendre des précautions particulières (gestion du territoire, comportement, et traitement médicamenteux) chez un chien à risque mordeur ou encore chez des chiens vivants en meute.
Inhibition temporaire = castration chimique
Chez le chien, après quelques semaines, l’effet de latence se termine et le mâle présente une inhibition complète de la production de testostérone (< 15 jours) et de la production de spermatozoïdes (< 6 semaines).
La courbe en rouge est la courbe étalon : chien non traité
Les autres couleurs montrent : la stimulation de quelques jours après la mise de l’implant, puis l’arrêt complet de production de testostérone pendant une durée variable selon les races
Durée d’efficacité et réversibilité
La durée d’efficacité est individu dépendant mais surtout taille-dépendant : + le chien est petit + l’action est prolongée. 98% des chiens ont une production de testostérone restaurée 180 jours après la pose de l’implant. La durée est plus élevée lors d’une implantation prépubertaire. Non recommandé chez un futur étalon reproducteur.
L’implant peut être répété pendant plusieurs années sans altération de son efficacité, et sans altérer un retour à la fertilité normale à l’âge adulte.
Il est fondamental de définir les motivations amenant à vouloir castrer le chien avant de planifier la chirurgie. En effet, les résultats ne sont pas toujours bénéfiques et sont irréversibles.
Ainsi, dans un contexte de réduction de comportements indésirables (agressivité, fugue, désobéissance, etc.), il est souvent plus avisé en première intention, de réaliser une contraception médicale, au sein d’une stratégie comportementale plus vaste, afin de constater de visu les impacts de celle-ci sur le chien. Selon les résultats, le traitement pourra être arrêté, répété ou une castration définitive programmée. La contraception médicale est aussi une alternative séduisante à la castration avant la puberté, afin de prévenir au mieux le développement des comportements sexuels (marquage, fugues pour saillir une chienne, etc.). Elle est efficace et réversible. Ainsi, il sera toujours possible de mettre le mâle à la reproduction à l’âge adulte.
Avec l’aimable autorisation des docteurs Mimouni et Lévy – Clinique vétérinaire “les Poumadères” – Centre de Reproduction des Carnivores du Sud-Ouest (CRECS)